Appelons-le Lobsang Tsering. Ce n'est pas son vrai nom, et vous ne verrez pas son visage. Dans le pays qu'il a fui, ceux dont les proches se sont exilés subissent des tracasseries administratives ou policières, et la bureaucratie chinoise a l'incarcération facile. Lobsang Tsering a 11 ans. Son enfance s'est achevée un matin de la mi-septembre, à Lhassa. Il vient de quitter ses parents, sa maison, son pays. Sa vie a basculé, il l'a déjà compris, et admis. Dans son regard, il y a l'assurance d'un adulte, de la gravité, un soupçon d'ironie. Comme s'il était banal, à 11 ans, de prendre le chemin de l'exil, seul, sans certitude de retour, d'affronter les risques du voyage, la fatigue, l'inconnu. Dans ce centre qui accueille à Katmandou les réfugiés arrivant du Tibet et transitant par le Népal pour rejoindre l'Inde, les enfants sont nombreux. Ils ont fui leur pays avec des amis, un oncle, des voisins, plus rarement avec leurs parents. Dans le mur des visages qui se pressent, curieux et rigolards, autour du visiteur, la bouille ronde et placide de Lobsang Tsering détonne. Quand les autres font les fanfarons pour la photo, il est grave. Quand ils retournent à leurs jeux, il reste à écouter les témoignages d'autres réfugiés.
Il raconte sa vie à mots comptés, sans tristesse, riant parfois. «J'ai 11 ans. J'ai grandi dans la banlieue de Lhassa. Mes journées, je les passais souvent à la maison, ou dans la rue, à jouer au ballon avec des enfants du quartier. J'ai un frère, ma famille est p