«Passé le rocher Chèvre, on parle le langage du sel. On n'adresse plus la parole aux femmes ... La neige tendre de ce matin est comme une offrande d'eau à la déesse, il y a beaucoup de camions au lac ... »
Dans une langue étrange, pleine d'images et de coq-à-l'âne, la Route du sel raconte la transhumance des nomades qui emmènent leurs caravanes de yacks récolter du sel sur un lac des hauts plateaux tibétains. Autant dire, un sujet ardu d'autant que Ulrike Koch, qui a mis plus de deux ans à réaliser ce documentaire, a refusé toutes les facilités du genre: aucun effet de manche en voix off, très peu de musique sinon la mélodie dissonante d'une chanteuse à la voix haut perchée, une lenteur harmonieuse, au pas des yacks qui marchent dans la steppe tibétaine. Pas de pathos sur le destin trop prévisible de ces nomades en sursis que la concurrence des camions condamne à très brève échéance. Doigté. La réalisatrice suisse, qui fût l'assistante de Mikhalkov (Urga) et Bertolucci (Little Buddha), a su laisser parler la lenteur de ces vies, écouter ces mots d'ailleurs, et laisser passer l'ombre des nuages qui courent sur la steppe. Autrement dit, ça a tout pour être triste et chiant" et pourtant on marche! Car la Route du sel, bien servie par la caméra de Pio Corradi (une petite Sony numérique), est magnifique de doigté. On entre sans effraction dans l'univers magique, superstitieux et poétique de quatre hommes, leurs problèmes de yacks, leur tente, leur cuisine, leurs craintes, leurs