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Divorces à acheter en Egypte.

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Les femmes vont pouvoir retrouver leur liberté même sans accord du mari. Mais il faudra lui verser de l'argent.
publié le 9 janvier 1999 à 23h28
«Deux semaines de mariage, deux ans pour divorcer.» Amina préfère en rire: cette Egyptienne d'une quarantaine d'années vient d'obtenir du tribunal le précieux papier lui rendant sa liberté. Elle a eu de la chance, car son mari ne s'étant pas opposé à leur séparation, la procédure a été «rapide». Parfois, souvent même, il faut compter dix à quinze ans. C'est à ce genre d'absurdités que le gouvernement égyptien veut remédier en amendant le code de statut personnel à peine toiletté depuis" 1931: d'après le nouveau texte, qui devrait bientôt passer à l'Assemblée du peuple, les Egyptiennes vont désormais pouvoir acheter leur divorce, même sans l'accord de leur mari.

Alors que les hommes ont le droit de répudiation immédiat ­ il leur suffit de prononcer trois fois la formule rituelle devant témoin ­ , les Egyptiennes ne peuvent divorcer que si elles réussissent à convaincre un juge que leur mari leur porte préjudice physiquement, moralement ou financièrement: 66% des femmes sont battues par leurs maris, selon une étude récente du Centre des études sociales et criminelles.

«Une femme pourra désormais divorcer immédiatement en échange d'une somme d'argent ou d'une propriété qu'elle donnera à son mari et dont le montant sera approuvé par le juge», précise Farouk Seif al-Nasr, le ministre de la Justice. Le magistrat devra prendre sa décision au cours d'une ou deux audiences au plus, et son jugement sera sans appel. Les milieux féministes ont accueilli favorablement ce projet, à l'instar de l'avocate Ghada Nabil: «Cela va permettre à beaucoup de femmes de divorcer rapidement au lieu de rester des années dans un statut précaire, séparées mais non divorcées.» Chaque année, quelque 20 000 femmes vont devant les tribunaux. Or, tant que le divorce n'est pas prononcé, elles demeurent sous la tutelle légale de leurs maris qui ont par exemple le droit de les empêcher d'obtenir un passeport et de voyager selon un décret ministériel de 1974.

Très soucieux de ne pas se mettre à dos l'establishment religieux dont la très conservatrice université d'al-Azhar, les rédacteurs du projet ont pris soin de fonder leur argumentaire sur un principe juridique puisé d