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Libération

Le rêve fracassé de Freetown. Malgré ses aspirations démocratiques, la Sierra Leone s'enferre dans la guerre.

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publié le 9 janvier 1999 à 23h23

Depuis sa colonisation singulière à la fin du XVIIIe siècle, la

Sierra Leone est la côte d'Afrique sur laquelle échouent les idées généreuses de l'Occident. Terre d'accueil d'anciens esclaves affranchis, ce petit pays ouest-africain a longtemps souffert du clivage entre son élite «créole», descendue d'un bateau, et les autochtones de l'intérieur. Cette semaine, la Sierra Leone a scellé l'échec de trois tentatives vertueuses: celle de sortir le pays de la guerre civile qui le ravage depuis 1991 par la démocratisation; celle de pacifier la Sierra Leone grâce à une force d'intervention régionale; enfin, au nom de l'universalité des droits de l'homme, celle d'engager la communauté internationale au-delà de l'aide humanitaire.

Historiquement, la Sierra Leone est un banc d'essai philanthropique. En 1787, 400 anciens esclaves noirs et un chapelain furent embarqués à Londres à destination de la Côte des Graines. A la suite d'un jugement rendu quinze ans auparavant, stipulant que tout esclave touchant le sol d'Angleterre serait ipso facto libre, il s'agissait de «rapatrier» en terre africaine des milliers de «pauvres Noirs» qui encombraient les rues de Londres. Sur le premier cargo, une soixantaine de prostituées blanches furent également expédiées. Mais, sur place, la petite colonie périt; éradiquée par des maladies et d'incessantes attaques. Ce n'est qu'en 1792 que de nouveaux «rapatriés» ­ des anciens combattants noirs de la guerre d'indépendance américaine et des «nègres marrons»