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Libération

«Cette marche, c'est à cause de la faim». Paroles de mineurs dans une ville encerclée par les forces de l'ordre.

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publié le 23 janvier 1999 à 23h09

Rimnicu-Vilcea, envoyée spéciale.

Plongée dans l'obscurité à cause d'une panne d'électricité, la ville semble déserte comme après un cataclysme. Rimnicu Vilcea est encerclé par l'armée et les forces spéciales qui ont ordre de bloquer là, à 150 km à l'ouest de la capitale, la marche sur Bucarest des 15 000 mineurs arrivés jeudi soir. Il est 1 h 30 du matin. Le centre-ville est jonché de tas de papiers, de boîtes de conserve vides. Çà et là, les cendres encore fumantes de feux de camp improvisés. Dans la salle des sports du palais de la Culture, des centaines de «gueules noires» sont allongées par terre, se serrant pour trouver un peu de chaleur. Sans illusions. Malgré la fatigue, Ionut Atudosei ne dort pas. Un mégot aux lèvres, il soigne ses engelures. Les chiffons qui enveloppent ses pieds n'ont pas réussi à le protéger du froid. Il est parti de chez lui depuis mardi et a marché une trentaine de kilomètres dans le défilé du Jiu avant d'arriver dans la plaine et de trouver une place sur un camion. Ses bottes en caoutchouc sont déja trouées. Un morceau de pain et quelques tranches de saucisson sont posés sur un journal graisseux. «Les habitants nous ont porté à manger.» Dans sa poche, un bout de papier chiffonné, écrit d'une main maladroite. «Pardonnez-moi, je ne l'ai pas voulu.» C'est une lettre pour sa femme, sa fille et ses parents" au cas où. «Si je suis tué ou si je dois tuer, je voudrais qu'ils comprennent que c'est le pouvoir qui nous a poussés à ça», explique-t-il san