Brazzaville envoyée spéciale
«Vous ne m'avez pas vu», intime-t-il. Les regards se posent brièvement sur l'homme à la chemise bariolée, au bras duquel s'accroche une molle jeune fille. Puis se détournent prudemment. Tout sourires, cette fois. «Il y a des gens ici à qui je fais peur.» Moubanda: son sobriquet, comme il dit, signifie «celui qui fonce», en lingala. «Tant que je ne suis pas devant, personne ne progresse. Dès que je recule, tout le monde suit.»
On dit de lui que c'est un type courageux, un méchant, ce qui à Brazzaville veut dire à peu près la même chose. Moubanda est tous les matins au front, entre les quartiers sud de la capitale et le Pool, région d'où attaquent les miliciens «Ninjas» de Bernard Kolelas, en exil aux Etats-Unis. Le soir, il rentre chez lui avec le sentiment du devoir accompli. C'est un chef de guerre, un «Cobra» (lire ci-dessous) dévoué au président Sassou N'Guesso, bien qu'il ne soit pas originaire de la même région. Il vient du sud de Pointe-Noire, comme la première dame du Congo. Il y a des intérêts qui dépassent l'appartenance ethnique.
Vocation. Il vit à Poto-Poto, un quartier animé du centre de Brazzaville, dans une rue qui ressemble à une casse de voitures. Jamais, assure-t-il, ses miliciens ne s'abaisseraient à piller les véhicules des civils comme les «morpions», qui gaspillent leurs cartouches au centre-ville. «Nous avons nos principes. Si tu fais ce genre de truc, je t'abats. A la fin, on touche une récompense, donc il faut respecter.» M