Moscou, de notre correspondant.
L'autre Russie commence aux portes de Moscou, dans ses banlieues ordinaires. Balachikha, par exemple. Tout droit par la chaussée de l'Enthousiasme, vingt-cinq kilomètres du centre, au plus. Une bourgade fade. Avec ses immeubles de cinq étages, sa rue Lénine; son imposant monument à la victoire de 1945, avec flamme éternelle; sa statue en pied de Vladimir Ilitch (ici en version gris métallisé); son McDonald's flambant neuf sur la grand route, où les vieux bus jaune pisseux de la ligne 322 conduisent jusqu'à la capitale. Ville de banlieue, Balachikha a aussi sa banlieue. Là-bas, par-delà la gare où «l'Electrichka» emmène aussi les voyageurs vers la grand ville, là bas où le chasse-neige ne dégage plus la route, où commencent la plate campagne enneigée, les maigres forêts de bouleaux. Ce ne sont que théories d'immeubles sans âge, sans rien. Ocre ou blanc, cinq ou dix étages, modèles soviétiques passe-partout. On appelle ça des cages à lapins, les Russes parlent de fourmilières. Celle-ci n'est pas pire qu'ailleurs, pas mieux.
C'est là qu'elles vivaient, au 9, rue de la Victoire. Toutes les trois. Pas dans l'immeuble le plus atroce. Au huitième étage. Des copines de palier. Tania, 14 ans, Macha, 12 ans, et Aliona, 11 ans. Lundi soir, elles étaient chez Aliona, seules. Vers 21 heures, elles se sont jetées par la fenêtre. Une à une. En bas, la neige abondante n'a pas suffi à retenir leur vie. Deux sont mortes sur le coup, la troisième quelques heures