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Libération

L'enfance volée des Tsiganes suisses. Enlevés à leurs parents par les autorités jusqu'en 1972, ils réclament justice.

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publié le 15 février 1999 à 23h44

Aarau Sierre envoyé spécial

«J'avais 8 mois lorsque Pro Juventute m'a enlevée à mes parents. Mes huit frères et soeurs ont eux aussi été raflés. Je devais avoir 5 ans lorsque, à Noël, j'ai demandé pour la première fois où étaient mes parents. A l'orphelinat de Zoug, les bonnes soeurs étaient très sévères. Elles m'ont battue quand j'ai posé cette question. Et, chaque fois que je l'ai reposée, elles m'ont battue encore et encore.» Martha Minster a aujourd'hui 57 ans. Assise devant une caravane dans un campement yéniche à Aarau, Martha Minster s'interrompt parfois. «C'est trop douloureux», dit-elle. May Bittel, le responsable romand de l'association des gens du voyage, lance: «Nous, les Tsiganes, avons payé très cher le droit de vivre en Suisse.»

L'été dernier, une commission d'historiens mandatés par le gouvernement suisse a décrit «les persécutions» dont ont souffert les yéniches: considérés comme des «êtres inférieurs» par la Fondation Pro Juventute, créée en 1912 par la Société suisse d'intérêt public, ils furent la cible d'une politique d'enlèvements systématiques de 1928 à 1972. Avec le plein aval des autorités, Pro Juventute avait décidé d'arracher les enfants yéniches à leurs parents pour les replacer dans des foyers. Comme Martha Minster, au moins 600 enfants ont été kidnappés «légalement». Pour rester unies, des familles ont fui dans les pays voisins. Parfois avec des conséquences tragiques. «Des cousins sont morts dans les camps nazis», raconte Martha Minster.

Asiles ps