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Libération

La longue damnation d'un peuple sans Etat. L'histoire des Kurdes est faite de tragédies, de divisions et d'un rêve jamais atteint.

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publié le 19 février 1999 à 23h48

Ses habitants l'ont rêvé, dessiné sur les cartes et célébré dans

leur poésie tandis que ses guerriers ­ que se soit contre Houlagou, le grand envahisseur mongol, le sultan ottoman Mahmoud et plus récemment Khomeiny ou Saddam Hussein ­ ont péri par centaines de milliers pour leur cause. Pourtant, le Kurdistan n'existe pas. Il y a un peuple kurde qui a une présence de quelque trois mille ans, ce qui en fait l'un des plus vieux du monde. Il y a une langue écrite kurde depuis les début de l'islam (VIIe siècle après J.-C.). Il y a une culture kurde, dont une musique qui, selon certains spécialistes, pourrait être à l'origine du flamenco. Il y a même un drapeau kurde: trois bandes horizontales verte, blanche et jaune avec, au centre, un soleil. Mille ans après avoir été décrit par les historiens arabes comme un peuple totalement à part, les Kurdes le sont demeurés, poursuivant leur quête, au mieux d'une indépendance, au pire d'une véritable autonomie, qui leur permettrait d'échapper à cette damnation originelle, celle d'un peuple sans Etat. Précisément, comme le note Chris Kutschera (1), l'un des spécialistes de la question kurde, les mythes des origines font des Kurdes un peuple damné. Il le relève dans les traditions recueillies par le grand historien arabe Aboul Massoudi (Xe siècle) et ses précurseurs arabes et perses. Celles-ci ont fait des Kurdes «tantôt un peuple de parias ou de proscrits, tantôt un peuple issu des amours coupables des concubines de Salomon avec le diable».