«La parole est finie.» Pour toute réponse, Georg traduit en français
la «une» de son journal. Sous la moustache drue, son index barre une bouche obstinément close. De sa main droite, il tient un pistolet imaginaire: la prochaine étape, annonce-t-il. «Les Européens l'ont vendu. Hypocrites. Ils n'ont rien à dire. Les droits de l'homme ne comptent pas devant l'intérêt économique. L'Europe, les Quinze sont complices», grince-t-il, avant de se murer dans les pages d'Ozgur Politika, un quotidien kurde édité à Francfort.
«Calmer le jeu.» Ces jours-ci, il est difficile de parler aux Kurdes parisiens, tant leur révolte est grande. Elle explose contre la Turquie en adjectifs de colère, «monstrueux, inhumain, dégradant», à la vue d'Öcalan attaché à son siège dans l'avion qui le ramène à Ankara, bâillonné, probablement drogué. Elle éclate en accusations contre l'Europe, «complice de son départ en Italie», contre Chirac, «convaincu» que le procès d'Apo devant un tribunal d'exception sera équitable, contre les journalistes qui «viennent trop tard» et ont attendu la capture d'Öcalan pour s'intéresser aux Kurdes, «un peuple de 30 millions de personnes, quand même», dit Fezidun, un Turc torturé dans son pays pour avoir soutenu les Kurdes. Comme ce militant kurde d'Irak, réfugié en France depuis vingt-sept ans, qui rage: «Je n'ai pas envie de parler aujourd'hui. Tout ça me dégoûte.»
Puis la révolte s'éteint en désespoir, pour rappeler qu'«on a tous un ami, un frère qui a été torturé, emprisonn