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A Warri, les jeunes font payer leur colère.

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Election présidentielle après quinze ans de pouvoir militaire au Nigeria (FIN). Dénonçant l'incurie de l'Etat, des groupes ethniques rackettent les pétroliers.
publié le 26 février 1999 à 23h53
(mis à jour le 26 février 1999 à 23h53)

Il suffit de suivre une file de camions-citernes. Il y en a partout, et toutes convergent vers cette immense usine à gaz nichée entre deux bretelles d'autoroutes à la sortie de la ville: des réservoirs à la peinture écaillée entourent une fabrique aux tourelles métalliques couvertes de suie, avec des valves chuintant de fumée et une torchère vacillante toute en hauteur. Un grillage hérissé de barbelés en interdit l'accès. A l'entrée très surveillée, les camions ne passent qu'au compte-gouttes. «C'est pour éviter des émeutes», dit un garde. Il faut, au minimum, dix jours d'attente pour franchir ce seuil et faire le plein à la raffinerie de Warri, la capitale de l'Etat du delta, au coeur des terres pétrolifères du Nigeria. Ici, tout sent le naphte: la terre, l'air, l'eau, même l'igname et le poisson qu'on mange. Or, la raffinerie tourne à 10 ou 15% de sa capacité de production et aux stations-service, il n'y a pas d'essence.

Le 17 octobre, dans un bourg près de Warri, l'oléoduc qui achemine du carburant vers Kaduna, à 600 km plus au nord, fuyait. Avait-il été saboté par des «jeunes en colère», qui trouvaient scandaleux que le pétrole extrait et raffiné chez eux était pompé au nord, alors qu'ils en manquaient? Le fait est qu'à Jesse, des centaines et, bientôt, des milliers de gens remplissaient leurs bidons. Jusqu'à ce qu'une étincelle les transformât en torches vivantes. Environ 700 d'entre eux sont morts sur le coup et plus de mille autres depuis. Car, même les grands brûlés n