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Libération

«Ils sentaient qu'on les emmenait à la mort, mais peu se débattaient». Ancien garde de camp malgré lui, Hem Houy témoigne.

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publié le 5 mars 1999 à 0h01

Anlong San (Cambodge), envoyé spécial.

«Nous transférions les prisonniers [du centre de torture] de Tuol Sleng jusqu'au camp d'exécution de Boeung Choeug Ek par camion, toujours la nuit, par fournées de vingt à trente personnes. Deuch [le directeur de Tuol Sleng] venait souvent avec moi et les autres gardes. On couvrait les têtes des condamnés avec des sacs et on leur attachait les mains derrière le dos. Une fois arrivés, on les poussait dans un baraquement mal éclairé qui était à l'entrée du champ de la mort. Dans un coin, je me souviens, étaient toujours posés sept ou huit essieux de charrettes" c'est le genre d'outil qui servait aux exécuteurs. Mon travail consistait à vérifier à nouveau les noms des prisonniers, avant de les livrer aux équipes de bourreaux. Ils étaient emmenés par petits groupes, dans l'obscurité, jusqu'aux champs où étaient creusés des grands trous sur le bord desquels ils devaient s'agenouiller pour se faire fracasser le crâne" Je ne me suis jamais approché des lieux d'exécution, car j'avais trop peur d'être confondu avec un condamné" Toute l'opération prenait environ deux heures, après quoi nous rentrions dans le camion vide.»Hem Houy, ancien chef-adjoint des gardes de Tuol Sleng, parle d'une voix sereine. C'est un paysan et fils de paysan, aux mains usées et à la peau sombre. L'ancien garde aborde sans feinte apparente ce versant longtemps refoulé de son passé.

«Ne plus y penser.» Houy a passé un an et demi, du début de l'année 1977 à l'été 1978, à Tuo