Sarajevo envoyé spécial
Samedi soir, une émission de variétés témoignait de l'étonnante métamorphose de la télévision bosniaque. En direct, dans des décors modernes où évoluaient des animateurs branchés, elle retransmettait le concours de sélection du chanteur ou de la chanteuse qui représentera la Bosnie-Herzégovine à l'Eurovision. Le jeu des téléspectateurs était bien sûr de tenter de discerner puisque leurs origines étaient tues à l'antenne ceux qui venaient de Sarajevo, de Mostar, de Gorazde, de Travnik ou de Banja Luka, capitale de la zone serbe. Sans succès dans la plupart des cas, tant les looks, les paroles, les musiques avaient été harmonisés.
Toasts serbes. Dans la même soirée, Foça, ville du bord de la Drina, aux confins du territoire serbe, résonnait certainement de vieux chants de l'ancienne Serbie. Tout l'après-midi en effet, dans les cafés embués de slivoviça (alcool de prune), des buveurs s'étaient chauffé la voix. Alertés par le rapatriement des ressortissants occidentaux, qui pouvait suggérer une opération militaire spectaculaire, les gens de Foça se tenaient les coudes toute la journée pour porter des toasts à la bataille perdue de la plaine du Kosovo, au bon temps de Karadzic, à Brcko «qu'on ne cédera jamais aux islamistes» , pour chanter en hommage aux femmes serbes, aux exploits serbes, pour manger fromages et viande fumée du pays.
Ces deux concours de chansons illustraient les deux pulsions qui séparent aujourd'hui deux sociétés urbaines de la Rép