Ngerigne Bambara, envoyée spéciale.
Ourèye Sall ne craint plus de lever le voile du silence. Comme sa mère, sa grand-mère et son arrière-grand-mère, elle a été exciseuse. Mais ses souvenirs sont lourds à porter. Elle fut mariée à 10 ans. Puis elle eut une fille. «Un jour, raconte-t-elle, ma mère est venue pour couper ma fille. Elle l'a fait très tôt le matin, et ça a saigné toute la journée. Ma mère a eu peur et a voulu partir. Cela m'a affolée. Alors je suis allée chercher des plantes et de la bouse de vache pour faire un emplâtre. Et ça s'est arrêté.»
Forte hémorragie. Ourèye est toucouleur, une des ethnies du Sénégal pour laquelle l'excision est une tradition très forte. Car une fille non excisée ne peut être mariée. Mais on ne se contente pas de sectionner le clitoris. On pratique des scarifications pour coller les petites lèvres avec le sang qui coagule. «Ça sèche et cela devient dur comme du goudron», explique Ourèye. Alors, quand vient l'heure du mariage, juste avant la nuit de noces, il faut passer une lame pour l'ouvrir. Ourèye l'a fait pour sa fille. Mais, là encore, les choses se sont compliquées, elle a eu une forte hémorragie. «C'est le mauvais sort», a-t-elle pensé.
Maintenant, tout cela, c'est du passé. Ourèye et toutes les femmes du village de Ngerigne Bambara, situé à 80 km de Dakar, ont participé à un programme d'éducation organisé par l'ONG Tostan et financé par l'Unicef. En deux ans, elles ont appris à lire, à écrire, à gérer des projets, elles ont découve