Iqaluit, envoyé spécial.
Dans la vie des Inuits, tout est cercle, tout est cycle: la naissance, la mort, les saisons, les marées, les migrations" Même la création du Nunavut («notre monde» en inuktitut), qui leur accorde, à compter du 1er avril, l'autonomie administrative sur le cinquième du Canada n'échappe pas à cette règle.
En 1953, les Inuits de Port-Harrisson (aujourd'hui Inukjuak), sur la côte est de la baie d'Hudson, sont ceux qui coûtent le plus cher à l'Etat canadien. Alors, ce sont ceux-là qui vont être choisis pour une expérience de retour à la vie traditionnelle et à l'«indépendance économique». Ce sont eux que le gouvernement va froidement déporter, et dont il n'autorisera le retour que trente ans plus tard. Pour les dirigeants canadiens, il s'agit surtout, sous couvert du bon usage des fonds publics, de répondre à la présence des forces armées américaines qui s'accroît dans l'Arctique avec le début de la guerre froide. «Des familles esquimaudes installées de façon permanente plus au nord dans l'archipel renforceraient la souveraineté du Canada», fait alors valoir le secrétaire d'Etat aux Affaires extérieures, Lester B. Pearson (futur premier ministre et prix Nobel de la paix). Le 25 juillet 1953, la gendarmerie du Canada embarque sept familles à bord du C.D. Howe en leur promettant de les conduire dans un lieu où la nourriture est plus abondante et en leur laissant croire qu'elles seront de retour au bout de deux ans. Parmi elles, une grand-mère de 83 ans, une fe