L'entrée victorieuse du Front patriotique rwandais (FPR) dans
Kigali, le 4 juillet 1994, aurait dû mettre fin aux massacres dans la capitale du «Pays des mille collines». Le mouvement rebelle issu de la diaspora tutsie n'avait-il pas conquis le Rwanda dans le but d'abattre le régime génocidaire, responsable de la mort de centaines de milliers de Tutsis depuis le mois d'avril? Or, «quelques jours après la prise de Kigali», 120 jeunes triés à la suite d'une cascade d'interrogatoires «sur leur appartenance politique et ethnique» ont été recrutés comme «main-d'oeuvre» par le FPR. Leur tâche consistait à tuer des milliers de civils hutus «à coups de marteau ou avec d'autres instruments contondants après les avoir ligotés aux mains et aux pieds». Les corps étaient brûlés et les restes enterrés. La mise à mort de Hutus, suivie de leur crémation, était alors une pratique courante, organisée à l'échelle du pays par le FPR. «Au camp de l'armée à Gabiro, situé dans le parc national d'Akagera, les mêmes types de massacres étaient perpétrés dans un centre de détention adjacent au camp militaire.»
Ce témoignage, cité dans le rapport d'enquête de plus de 900 pages que publient aujourd'hui, conjointement, la Fédération internationale des ligues des droits de l'homme (FIDH) et Human Rights Watch (HRW), donne des frissons. Jugé «convaincant par sa spontanéité et l'abondance des détails», il est corroboré par d'autres témoignages sur une «brigade spéciale du FPR chargée de brûler les corps». Il