Menu
Libération

«Ils sont morts pour rien. Nous vivons pour rien.» Un meeting de Bouteflika, l'occasion de sortir pour les jeunes désoeuvrés d'Alger.

Article réservé aux abonnés
publié le 13 avril 1999 à 0h41

Algérie, envoyée spéciale.

Certaines journées sont belles. Rarement, mais ça arrive. Par exemple, lorsque Idriss, le fils du boucher, emmène des «boissons avec alcool». Ou bien quand on repère une belle terrasse, bien cachée et facilement accessible. «Alors, on se dit que, si on trouvait une fille, on pourrait l'emmener là et l'embrasser, tranquille. Evidemment, on ne trouve jamais de fille. Mais ça rassure d'avoir déjà l'endroit. On s'assoit là et on pense fort.» Parfois aussi, «un vendeur de cachets du quartier demande qu'on l'aide à vendre ses Temesta, et autres, au coin de la rue. C'est la principale possibilité d'avoir de l'argent». Le reste du temps, «on ne fait rien, rien à en crever. Nous sommes les fantômes de l'Algérie. On circule au milieu des autres, mais on n'a pas d'existence vraie». Farouk, Mohammed, Ali, Ahmed, tous approuvent gravement de la tête.

Fraudé d'avance. Ce dimanche entrait dans la catégorie des belles journées. Devant la maison communale de Hussein-Dey, un quartier d'Alger, des bus proposaient d'emmener les gens à un meeting de campagne pour Bouteflika, candidat soutenu par la haute hiérarchie militaire à l'élection du 15 avril. «Gra-tui-te-ment». Ils l'ont tous crié. La plupart ont à peine l'âge de voter et aucun ne compte le faire. Sans regret ni colère. Ils n'en discutent même pas, tant ils sont persuadés que le scrutin est fraudé d'avance. «Mais la possibilité d'aller gratuitement au centre-ville en bus, cela ne se refuse pas, même pour un meeti