Istanbul, intérim.
Aux petites heures de l'aube, ce dimanche, le chemin des isoloirs passera obligatoirement par la mosquée. C'est la consigne donnée à ses partisans par Recai Kutan, leader du Fazilet Partisi (Parti de la vertu) islamiste, héritier proclamé du Refah (Parti de la prospérité) dissous en janvier 1998. Comme s'il fallait s'en remettre à Allah pour conjurer la malédiction. Non pas que les religieux n'aient aucune chance de faire bonne figure dans ce double scrutin communal et législatif. Les derniers sondages ne prédisent qu'un léger effritement de leur score du 24 décembre 1995, 21,4% des voix, qui en avait fait alors la première formation politique du pays. Tout au plus la vedette pourrait-elle lui être ravie par le Parti de la gauche démocratique de l'actuel Premier ministre Bülent Ecevit, socialiste et nationaliste très populaire depuis l'arrestation au Kenya d'Abdullah Öcalan, le chef des rebelles kurdes turcs du PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan). L'avenir ne s'annonce pas rose pour autant pour les islamistes. Moins d'un mois avant le scrutin, un procureur d'Ankara, Nuh Mete Yüksel, avait quasiment scellé le sort du Parti de la vertu, qu'il accuse de n'être qu'une copie conforme du Refah de Necmettin Erbakan et de vouloir instaurer un régime théocratique. En pleine campagne électorale, la démarche avait en tout cas un objectif bien clair: décourager la frange traditionaliste de l'électorat de voter pour un parti condamné d'avance et écarter le risque