Lisbonne, envoyé spécial.
A le voir comme ça, rondouillard bonhomme sanglé dans un costume bleu foncé, on a peine à croire qu'il a été l'un des hommes clés de la révolution des oeillets. Dans ce bureau fonctionnel, digne d'un de ces administrateurs de carrière, ce bon vivant rigolard aux tempes chenues est pourtant bel et bien le lieutenant-colonel Vasco de Lourenço, l'un des animateurs de ce qu'on appelait le «mouvement des Capitaines», ce groupe de militaires lassés par les sacrifices de la guerre coloniale et qui finiront, le 25 avril 1974, par faire tomber le régime salazariste et accoucher d'un Portugal démocratique au terme d'une révolution sans violences.
Vasco de Lourenço, 56 ans, chargé d'organiser les célébrations nationales du 25e anniversaire (ce dimanche), annoncées en grande pompe, n'a pourtant pas l'enthousiasme facile: «Evidemment, moi, la révolution des oeillets, c'est toute ma vie, c'est même mon orgueil. Cela a profondément influencé la société portugaise et, dans les têtes de tous ceux qui l'ont connue, ça reste un moment inoubliable. Mais voilà, ma fille est née deux mois après ce jour-là, et pour elle, aujourd'hui, ça ne représente pas grand-chose" [un soupir]" et puis, on a obtenu l'essentiel, la liberté, la démocratie, l'ouverture au reste du monde; mais, en même temps, on a tellement laissé de rêves sur la route: la solidarité est en berne, la justice sociale inachevée, les résultats de la décolonisation désastreux. Il n'y a qu'à voir aujourd'hui les