Skopje, envoyé spécial.
«Nous ne pouvons rien prévoir, mais rien ne nous surprendra.» Oliver, un jeune lycéen de 18 ans qui joue aux cartes au Berliner Café, une gargote minable de Karpoch, un quartier de Skopje, ne croit pas si bien dire. Sa formule reflète l'état d'esprit actuel de la population slave non albanaise de Skopje, concentrée «de ce côté-ci de la Varda», la rivière qui coupe la ville en deux. «Ce côté-ci», comme le dit un autre jeune homme, où «la vie n'a pas changé». Mais où elle pourrait le faire, dans les semaines ou les mois qui viennent. Ne rien prévoir, c'est être coincé entre des penchants proserbes et un désir d'intégration dans l'Union européenne et l'Otan. C'est être aussi tétanisé à l'idée que l'afflux massif de réfugiés kosovars puisse renverser la balance démographique d'un pays où les Albanais représentent au moins 35% des 2,1 millions de Macédoniens. N'être surpris par rien, c'est être résigné à l'idée que le sort de la Macédoine n'est pas entre ses propres mains.
CNN et télé serbe. «Pas le choix», résume une jeune actrice, attablée dans un restaurant chic du centre-ville: «Cette guerre, c'est de la grande politique et nous, nous sommes au front, comme les petits soldats.» «Je ne veux pas choisir mon camp. Cette guerre n'est pas ma guerre», continue celle qui dit ne pas comprendre «la serbomania» de certains. Comme Oliver: «Le gouvernement n'aurait pas dû laisser les Serbes sans aide. Nous avons vécu toute notre vie avec eux. Nous avons combattu