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Libération
Interview

GUERRE AU KOSOVO. «Les militaires ne peuvent pas garder les camps». Selon Rony Brauman, leur présence met en danger la vie des réfugiés.

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publié le 6 mai 1999 à 0h53

Pionnier de l'humanitaire et ancien président de Médecins sans

frontières, Rony Brauman ne cache pas ses états d'âme. Son inquiétude rejoint celle de nombreux humanitaires qui dénoncent la confusion des genres et les dangers du militaro-humanitaire: Les militaires et l'humanitaire. «C'est très déstabilisant pour les ONG. Autrefois fédérateur et synonyme d'autorité morale, l'humanitaire est presque devenu un gadget, aux contours de plus en plus flous.

Le tournant majeur remonte à la guerre du Golfe. En 1991, l'affrontement traditionnel entre les deux blocs a changé la donne internationale. Et George Bush, inspiré par l'un de ses conseillers en communication, invente le «nouvel ordre humanitaire». L'expression n'a aucun sens, mais elle plaît. Par ce terme, Bush désignait une morale internationale, dont on retrouve l'idée au Kosovo. Il affirmait un aspect providentiel des puissances mondiales qui, comme la providence, peuvent donner la vie et la mort, selon les circonstances et la volonté. Voilà comment, dans un contresens flagrant, on en vient à parler de frappes, de bataillons et de catastrophe humanitaires.

En Macédoine, en Albanie, avec les frappes et les bataillons humanitaires, les ONG sont happées dans cet espace du «tout-humanitaire». Les bombardements, les secours et l'accueil sont englobés dans un même sac, non sans arrière-pensées médiatiques qui se soldent, entre autres, par la photo d'un gentil soldat de l'Otan, un bébé kosovar dans les bras. Contrairement à l'acti