Kukës (Albanie) envoyée spéciale.
Le 3 mai, une grande femme de 37 ans, S.B., arrivait à la frontière albanaise. Elle était livide, elle avait de nombreuses plaies et une balle encore coincée sous la peau du ventre. Pendant qu'on la soignait, elle a raconté au personnel de Médecins du monde (MDM) l'horreur d'un voyage en camion, enfouie sous les cadavres de ses propres enfants. Elle a été sauvée par l'UCK, l'Armée de libération du Kosovo, signe que, malgré l'intensité de la campagne menée par les forces serbes, un réseau de résistance subsiste au Kosovo. Tous les noms cités dans ce témoignage ont été retranscrits par MDM, mais ont été ici omis pour la sécurité du témoin.
Le 25 mars, à 5 heures du matin, des hommes en tenue militaire serbe envahissent la maison de S.B. et raflent tout ce qui a de la valeur. Avec sa famille, elle quitte la maison pour celle de son oncle. Le lendemain, à midi et demi, d'autres visiteurs forcent la porte. «C'étaient tous des Serbes de Suhareka et je les connais. C'est M. qui a tué mon mari, son frère a travaillé chez nous. Il y avait aussi Z. Je ne connais pas son nom de famille, il a travaillé à l'hôtel Boss.» Ils ont séparé les hommes et les femmes. Les hommes ont dû mettre les mains en l'air, et ils ont tiré. Tous les hommes sont tombés. «La femme de mon oncle, enceinte, m'a dit: "Viens, on va aider nos maris. Mais je lui ai répondu: "Non, on ne peut pas laisser les enfants. Si je viens, ils vont me tuer aussi. Je ne savais pas, alors, qu'ils a