Budapest de notre correspondante
Goran a passé peu de temps au front mais il en garde un souvenir cauchemardesque. Ce Serbe de 20 ans, garçon de café, a été recruté par la JNA (armée yougoslave) en juillet 1998. Il a déserté six mois plus tard et s'est réfugié en Hongrie. Originaire de Mladenovac, à une trentaine de kilomètres de Belgrade, Goran a d'abord été cantonné en Voïvodine, à Sombor, où il a reçu une formation sommaire. Puis, en septembre 1998, il a été transféré au Kosovo. Dès l'automne, le régime de Belgrade commence à y renforcer son dispositif pour préparer l'opération dite «Fer à cheval» , dont le but est l'épuration ethnique dans la province. «Nettoyage». Goran montre son carnet militaire où est consignée son affectation: Gnjilane, à 50 km au sud-est de Pristina. Le jeune homme est membre d'une unité d'artillerie et d'infanterie de 80 hommes qui ont pour mission d'encercler les villages au sud de Pristina, préparant le terrain aux forces de police qui procèdent ensuite au «nettoyage». Fluet, de petite taille, Goran fait partie d'un groupe de snipers qui, équipés de fusils 12 mm et d'un matériel radio, précèdent le bataillon. «On n'avait pas forcément des militaires de l'UCK en face de nous. Il y avait aussi des civils en armes qui défendaient leurs foyers. Je tirais sur les jambes pour éviter de tuer», assure-t-il.
Comme ses copains, il sait qu'il est passible du tribunal militaire s'il n'obtempère pas. «On peut même être exécuté sur place d'une balle dans la tê