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Libération

Prisonniers et boucliers des Serbes.

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Hier, 400 Kosovars libérés vers l'Albanie ont raconté leur terrible captivité.
publié le 24 mai 1999 à 1h09

Lorsque les autobus arrivent aux abords du camp de réfugiés, c'est soudain la folie. Des centaines de mains se tendent derrière les barbelés, on pleure, on se déchire le visage sur le fil de fer. A pleins poumons, on hurle des prénoms masculins. Dans ce convoi-là, organisé par les forces gouvernementales yougoslaves ce week-end vers Kukës, en Albanie, rien que des hommes, 400 hommes. Ceux dont on ne savait rien, qu'on n'espérait plus. Depuis mars en effet, parmi les centaines de milliers de Kosovars contraints à l'exode, les femmes sont en large majorité. Selon une enquête réalisée par MSF en Albanie, au moins 30% des familles ont été séparées de force, enfants et femmes contraints de s'exiler, hommes emmenés par les militaires ou prenant la fuite vers la montagne. Samedi, une infime proportion de ces disparus-là, un cinquième de la prison de Mrekonic, près de la frontière avec la Serbie, sont arrivés.

Les quatre cents semblent des revenants, rescapés par un miracle auxquels eux-mêmes semblent avoir du mal à croire. Dans un pantalon devenu beaucoup trop grand pour lui, un homme aux cheveux blancs montre son permis de conduire. Sur la photo, il porte une frange châtain foncé. Il va avoir 24 ans. Instituteur, il a été arrêté dans la rue alors qu'il allait faire le plein d'essence à Mitrovica, «une folie» dit-il. Dans cette ville coupée en deux (moitié serbe, moitié albanaise), «toutes les boutiques tenues par des Albanais ont été marquées à la peinture puis brûlées au lendemain