Brazda, envoyé spécial.
Au milieu de la foule qui ne cesse de grossir, une silhouette dégingandée se fraie péniblement un chemin. Des mains l'agrippent, cherchent son contact. Surpris, émus, les réfugiés scandent son nom. Ibrahim Rugova leur répond d'un sourire timide. Pas de grandes déclarations, aucune adresse solennelle. Juste une présence rassurante au milieu des siens, ces Albanais chassés du Kosovo qui, par deux fois en dix ans, dans des élections clandestines, l'ont choisi pour incarner leur rêve d'indépendance. Et, à voir l'accueil que lui ont réservé, hier en Macédoine, les déportés du camp de Brazda, il ne fait aucun doute que ce Président discret reste cher au coeur de son peuple.
«C'est une légende». «Je suis tellement heureux de le voir enfin libre, parmi nous, s'enflamme Skander Chérifi; c'est le signe que nous aussi, nous serons bientôt libres. Tous les présidents du monde le connaissent, l'apprécient. Grâce à lui, on va finir par nous écouter.» Xhamael Rexhepi, 61 ans, bafouille de joie: «Ibrahim Rugova ne promet rien qu'il ne puisse tenir. Mais il ne dévie jamais de sa route. C'est une légende. Même s'il mourait, il resterait la conscience de chaque Albanais.»
Quelques jeunes, l'air sévère, tentent un dérisoire contre-feu en criant «UCK» comme un défi. Regards noirs dans la foule. Non pas que les réfugiés boudent l'Armée de libération du Kosovo, mais, dans leur immense majorité, ils refusent d'opposer le combat des troupes rebelles contre les forces serbes à l