Gruka Kremir, envoyé spécial.
Accrochées à flanc de ravines, des cahutes de branches tressées. Cachés dans les bosquets, des abris troglodytes, creusés à même la glaise, consolidés par des pieux. Des chambres aux sommiers en terre battue, couverts de paille. Des salles d'eau, au sol carrelé d'éclats d'ardoise. Des fours en moellons avec, attenantes, leurs réserves de bois sec protégées de la pluie par des claies d'aubépine. Une véritable cité antique, construite à la force des bras, en bordure d'un torrent, au plus profond d'une vallée encaissée, dans les montagnes de la Drenica. Et, terrées dans ce refuge inexpugnable, plusieurs milliers de familles albanaises ont survécu pendant trois mois, coupées du monde, sans la moindre aide extérieure, sous la menace permanente des tirs de l'artillerie serbe, à quelques kilomètres seulement de leurs villages occupés.
«Fin du cauchemar». Des forêts alentour, des hommes s'approchent, hésitants, surpris, chargés de fagots de ronces, chemises déchirées, leurs corps flottant dans des pantalons trop larges, amaigris à l'extrême par les privations. Dans leurs yeux incrédules, les émotions se bousculent. Par la radio, ils ont suivi la progression des troupes de l'Otan, mais dans la matinée d'hier, les soldats occidentaux n'avaient pas encore pris position dans la Drenica. Les pistes d'accès, aux profondes ornières, restent partiellement minées. Et des escarmouches à l'arme légère opposent chaque jour les forces fédérales aux combattants de l'U