Le chef d'Etat le plus populaire du monde quitte le pouvoir comme le plus célèbre prisonnier politique était revenu à la vie publique: en homme libre, affranchi de tout ce qui est bas, apte à offrir aux autres un rare instant de communion. En neuf ans, Nelson Mandela a su négocier la fin pacifique du régime d'apartheid, il a gagné les premières élections libres et multiraciales en Afrique du Sud avant d'achever hier, en apothéose, un quinquennat laissant des institutions démocratiques aux mains d'un successeur préparé à la tâche. C'est le bilan d'un géant du siècle, couvert de louanges par tous, du colonel Kadhafi à Bill Clinton. A tel point qu'à sa sortie de la scène, on oublierait presque les difficultés que Mandela a dû vaincre en y entrant, après sa libération au terme de dix mille jours passés en prison. Depuis le 11 février 1990, il a accompli un miracle à visage humain.
«Enfin libre.» Ce jour-là, attendu au centre-ville du Cap où il devait s'adresser au monde après vingt-sept ans de détention, le revenant a fui «une foule qui pouvait aussi bien nous tuer avec son amour». Son chauffeur paniquant, il lui a enjoint de foncer dans la direction opposée aux caméras de télévision. Il a retrouvé l'appartement de son avocat et ami, Dullah Omar, qui, ouvrant la porte, avait «l'air plus qu'étonné de nous voir arriver». Dans son autobiographie, Mandela note: «J'étais enfin libre, mais, au lieu de m'accueillir à bras ouverts, il m'a dit un peu inquiet: "Tu ne devra