Au Kosovo, la guerre est donc finie. Les victimes d'hier émergent de la peur qui, pendant des semaines, les tenaillait. C'est leur tour maintenant d'avancer vers l'avenir avec espoir. Mais ma pensée les retient. C'était quand? Moins d'un mois s'est écoulé depuis ma visite en Macédoine et en Albanie.
L'image semble sortir de la Bible: des convois traversant monts et vallées à la recherche d'un lieu sûr, d'un paysage accueillant, des foules angoissées où maris et femmes, parents et enfants égarés se cherchent, se cherchent.
Les parents pleurent, les enfants sourient. Qu'est-ce qui est plus douloureux à regarder? Le rire des enfants ou les larmes des adultes? Face à ces enfants, l'on se sent honteux. Devant leurs parents, l'on se sent désoeuvré. Marqués par un malheur ancestral implacable, ils vous regardent en silence avant de se mettre à raconter, et vous aimeriez vous cacher quelque part, là où la vie est plus simple et la condition humaine moins cruelle. On les a dépouillés de leurs foyers, de leurs fortunes, de leurs attaches, même de leur existence; ils ont l'air maintenant de vous demander des explications, sinon des comptes.
On aimerait les faire parler plus longuement, et en même temps on a peur de ce qu'ils vont dire. Il paraît qu'il y a des limites à ce que l'être humain peut absorber. Et pourtant. On n' a pas le droit de ne pas les interroger. Leurs souvenirs hantés, leurs blessures incandescentes, il nous appartient de les recevoir. S'ils ont la force de raconter, nou