Prizren, envoyée spéciale.
C'est comme une frontière qui se passerait tout doucement, sans presque s'en rendre compte. Au centre-ville de Prizren, avec une détermination discrète, les citadins ont découpé des photos dans les journaux. Encadré de doré, Clinton parade avec des soldats américains au milieu de la vitrine d'un magasin de lingerie. Dans un salon, l'image d'un soldat de la Kfor embrassant un enfant a pris une place aux côtés des souvenirs de mariage. Un bar qui vient d'ouvrir, a été baptisé Le Kfor, un autre, le Kafé For. Puis on roule vers la banlieue. On s'approche des villages. Et c'est le drapeau de l'UCK qui apparaît, omniprésent. Dans les épiceries des faubourgs, une grappe de porte-clés aux couleurs de l'armée kosovare se mêle aux chapelets d'ails. Sur les tracteurs, le fanion UCK pend au rétroviseur. Alors que le président américain rendait visite hier au leader politique de l'UCK dans la capitale Pristina, les citadins soupirent: «Ah, si Clinton avait pu venir chez nous!» Et les faubourgs se lamentent: «Hashim Thaçi (le leader politique de l'UCK) aurait pu venir nous voir.» Entre l'UCK des champs et l'Otan des villes, chacun au Kosovo a choisi son miroir. «C'est comme si deux versions de l'histoire étaient en train de s'écrire en parallèle», s'étonne un professeur de lettres.
Dix jours après la fin de la guerre, il y a des choses avec lesquelles on ne plaisante pas, à Prizren. Hier, le père de Yeton, était plutôt en colère. «Maintenant, mon fils, il va fallo