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Libération
Reportage

Retour de bâton pour les Roms

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Les Tsiganes contraints à l'exil pour avoir collaboré avec les Serbes.
publié le 29 juin 1999 à 23h01
(mis à jour le 29 juin 1999 à 23h01)

Au premier jour sont partis les plus riches. Les plus mouillés, liés par le crime au régime de Belgrade. Ils ont glissé leurs Mercedes dans les colonnes de l'armée en retraite sans attendre l'arrivée des troupes occidentales. Suivaient les exécuteurs de basses oeuvres, hommes de main cagoulés au volant de lourds semi-remorques chargés du butin des pillages. Le prix de leurs services. A ces fidèles, la Serbie a bien voulu donner l'asile. Agron Zerian, en revanche, n'a pas collaboré. «Ou, enfin, pas tellement.» C'est lui qui le dit. Il n'a pas résisté pour autant. «Ah! ça non.» Tout juste a-t-il «profité de la situation. Pour tenter de s'en sortir. Au jour le jour». Sa charrette en atteste, tirée par un cheval efflanqué, il n'est pas de ces Roms qui ont bâti une fortune rapide sur le dos des Albanais et aux ordres des Serbes.

Seulement voilà, Agron a usé des ces petits passe-droits consentis par Belgrade pour s'assurer le soutien des Tsiganes. D'abord, la garantie que son foyer ne serait pas la cible d'une expédition punitive. Et puis ce travail de gardien dans une administration. Un poste au bas de l'échelle, certes, mais refusé aux Albanais, exclus de la vie publique depuis plus de dix ans. En période de tensions, le motif suffit à nourrir de solides inimitiés. Aussi, lorsque les Serbes ont quitté le village d'Obilic, que ses voisins albanais sont sortis des bois où ils étaient réfugiés depuis trois mois pour trouver leurs maisons vides, brûlées, Agron a adopté un profil bas,