Prizren envoyée spéciale
Un coup de pied, un coup d'épaule, et la porte s'ouvre. Cela a été tellement facile que chacun reste figé dans un silence où grincent, partout sur le palier, les battants qui s'entrebâillent. Ismajl entre, à pas de chat. Sa femme crie qu'elle regrette. Là-dedans, elle ne pourra jamais fermer les yeux sans voir des flammes, du sang. Elle veut repartir, n'importe où mais pas là. «Tais-toi, femme», dit Ismajl. Il la traîne à l'intérieur. Tout autour, on entend le claquement des portes voisines qui se referment. Par l'ami du beau-frère d'une cousine, la famille Drini a appris que cet appartement, dans une banlieue populaire de Prizren, est «libéré», comme on le dit maintenant ici. Comme plus de 70 000 civils dans tout le Kosovo, les Serbes qui l'habitaient ont suivi les forces yougoslaves dans leur retrait. Dans ce chassé-croisé des guerres, les Drini reviennent tout juste d'un camp de réfugiés en Albanie. Duçanova, leur village, n'existe pratiquement plus. «Alors on est entrés là. Mais c'est un peu comme violenter un tabou. Même si les autres sont loin, on a encore trop peur d'eux, s'excuse Ismajl. Nous n'avons pas passé le seuil d'une maison serbe depuis plus d'un an.» Violeta, sa femme, interrompt ses cris pour rectifier. «Non, depuis plus de deux ans.» Elle avait sonné chez un policier, pour le supplier de révéler où son frère était emprisonné. Responsabilités. Hier, le HCR (Haut-Commissariat aux réfugiés des Nations unies) a donné le signal officie