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Ljubenic,village tétanisé par l'horreur. 70 cadavres ont été retrouvés dans une maison. Et déjà une cinquantaine dans la montagne proche. Il pourrait y avoir 350 morts.

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publié le 12 juillet 1999 à 23h45

Ljubenic, envoyé spécial.

Déjà décolorés par les pluies du printemps puis la canicule de l'été, des écharpes, des pulls et ces autres vêtements que l'on emporte en prévision d'une longue route sortent de sacs ouverts, abandonnés au milieu des ruines noircies. Un crâne, une colonne vertébrale à demi consumée et quelques hardes jonchent la cour de ce qui fut une cossue villa blanche. Au fond du jardin, un tas de cendres avec quelques os blanchis.

Une cour maudite. Depuis leur retour des camps de réfugiés d'Albanie, il y a vingt jours, les trois femmes, la vieille Fané Sylaj avec son foulard blanc, Mirjime Hanzaj, grande et émaciée, toujours accompagnée par sa fille, reviennent sans cesse dans cette cour maudite en bas du village. L'une a perdu deux neveux et un frère. La seconde, un mari. «Je cherche un corps, mais jusqu'ici je n'ai trouvé qu'une chaussure», explique laconiquement Mirjime. Elle n'a plus d'espoir, mais elle veut enterrer dignement Ramiz, son mari.

Tout autour, la vie reprend au milieu des ruines. Les magasins rouvrent dans les villages voisins et les gens retapent les maisons. Les camions défilent sans cesse sur la nationale qui mène à Pejë (Pec), distante d'à peine 10 km. Mais Ljubenic reste tétanisé par l'horreur trouvée au moment du retour. Il y a les morts du village abattus dans la maison blanche ­ quelque 70 hommes ­ mais aussi tous les cadavres, déjà une cinquantaine, que l'on continue de trouver dans les bois et les ravins de la montagne toute proche.

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