Moscou, de notre correspondant.
L'antisémitisme en Russie est une antienne, un vieux démon. Quelque chose qui, de ragots en rumeurs, de bouc-émissaire en fantasme, court depuis Dostoïevski jusqu'aux babouchkas. Les années communistes engendrèrent leurs pogroms (le tsarisme avait donné l'exemple), leurs procès suivis de goulag ou d'exécutions, leur «complot sioniste international», etc. Le postcommuniste, moins cruel tout de même, ne vaut guère mieux. En principe, l'article 282 punit «l'incitation à la haine raciale, ethnique et religieuse» (quatre ans de prison). Cette loi, comme d'autres, n'est pratiquement pas appliquée. Quelques condamnations verbales en haut lieu le président Boris Eltsine, le maire de Moscou, Youri Loujkov sauvent la face. Les députés antisémites, fort de leur immunité, s'en donnent à coeur joie.
Les faits de l'antisémitisme en Russie sont têtus et surtout récurrents. Depuis l'automne dernier, fin de siècle et échéances électorales prochaines aidant, il n'y a guère de mois et aucune saison où cette sinistre chronique ne soit d'actualité. Selon l'agence juive, organisme paragouvernemental chargé de l'émigration, 7 933 juifs russes sont partis pour Israël lors des six premiers mois de 1999. 116% de plus que le semestre correspondant à celui de l'an dernier.
Voici un inventaire de cette «montée de l'antisémitisme», portant sur les neuf derniers mois, en s'en tenant à ses signes les plus visibles. Il faudrait évoquer la multitude des signes plus discrets.