On voit des soldats partout. Dans les rues de Kingston, où ils
patrouillent dans de lourdes Jeep blindées, le doigt sur la détente. Et jusque dans les prisons où, depuis mercredi, ils remplacent les gardiens, frappés d'une mystérieuse épidémie (une grève déguisée pour réclamer le versement en retard de leur prime d'uniforme). Dans les quartiers périphériques de la capitale, la nuit tombée, le black-out habituel la plupart des lampadaires ont été brisés par des «asociaux» complète le couvre-feu décrété par le gouvernement. Les soldats guettent les ombres qui s'esquivent, ignorant les joueurs de cartes qui fument, le regard perdu, leur calumet d'herbe, à la lueur d'un brasero ou d'une lampe à huile. ..
Le 13 juillet, le Premier ministre P.J. Patterson a choisi d'en appeler à l'armée pour ramener un peu d'ordre et mettre un terme à une «guerre des gangs» qui a fait une trentaine de morts depuis le début du mois. Celle-ci s'est déclenchée avec la tuerie de quatre hommes, dans une maison de Park Lane. Le lendemain, dans un quartier voisin, une femme était abattue d'une balle dans la tête. Les représailles s'enchaînent, d'Allman Town, dans le centre, à la paroisse (arrondissement) voisine de Sainte-Catherine. Les bandes d'une quinzaine de quartiers populaires règlent leurs comptes pour conserver la maîtrise du trafic de drogue ou étendre leur territoire. L'addition grimpe à 34 morts à la mi-juillet, pour atteindre 66 au début de cette semaine, grossie par les crimes «ordinaires