Tsorona envoyé spécial
Lorsque, après vingt-quatre heures de «préparation» d'artillerie, l'infanterie éthiopienne s'est ruée à l'assaut des tranchées érythréennes, ce fut Verdun. Sans boue ni brouillard, mais Verdun quand même: une boucherie absurde sans vainqueur ni vaincu, un Verdun du pauvre, de soleil et de caillasse. Grumaï Gebremaskal garde un souvenir dégoûté de ce sinistre mois de mars. «Les Ethiopiens ont envoyé leurs hommes déminer en sandales. C'étaient des Oromos (1), des pauvres diables armés de Kalachnikov. Ils n'ont même pas atteint la première tranchée.» Engagé à 14 ans, officier à 30 ans, le jeune homme avait pourtant vu des atrocités. Mais jamais un tel entêtement. Deuxième vague, même carnage. «A la troisième vague, ils ont envoyé les chars et les civils.» Au côté des équipages blindés conduits par les troupes d'élite, composées d'officiers tigréens, quelque 5 000 malheureux paysans se lancent à l'assaut, à pied, à dos d'âne. Enrôlés de force, ils étaient supposés transporter vivres et munitions contre la promesse de mirifiques pillages.
La troisième vague devrait être la bonne, pensaient les stratèges éthiopiens. Comme deux semaines plus tôt sur le front de Badmé, à l'ouest, lorsqu'ils avaient encerclé les Erythréens partis trop précipitamment en contre-attaque. Mais à Tsorona, les Erythréens ne sont pas sortis de leur tanière: un réseau de galeries qui court sur plusieurs kilomètres, et qui ferait sans doute l'admiration des poilus. Mohammed Adam dit av