Gbadolite envoyé spécial
Vers le soir, Jean-Pierre Bemba n'a pas changé de position. Enfoncé dans son fauteuil de cuir vert, il commande à distance sa rébellion, le Mouvement de libération du Congo (MLC). Pendant que les douze bataillons du MLC et leurs alliés ougandais progressent à travers l'Equateur, sa main droite va du talkie-walkie au téléphone satellite. La gauche ne lâche pas la télécommande de la télévision. Derrière les baies vitrées du salon climatisé, les insectes bourdonnent autour des lampes qui illuminent le jardin comme pour une réception. Au-delà, il n'y a pourtant que la désolation des rues de Gbadolite, puis les ténèbres de la forêt équatoriale.
Dans cette étendue d'arbres et de marécages, le MLC se taille un «territoire libéré», dont Jean-Pierre Bemba balaie l'étendue sur une carte plastifiée des «diocèses et implantations paroissiales» du pays. L'échelle ne permet pas la précision, mais qu'importe. Depuis son fauteuil, ce fils de l'Equateur règne déjà sur les trois quarts de la province. Là, Mobutu Sese Seko avait son fief et sa cour, dont la famille Bemba fut l'un des pivots. En prenant Gbadolite, le 3 juillet, le chef du MLC s'est d'ailleurs emparé d'un mythe, celui du «Versailles dans la jungle» construit par le maréchal au coeur de sa région natale.
Pillage incessant. Surplombant la ville, l'autre rêve de Mobutu, le palais de Kawele. Entre les bâtiments de stuc et de marbre, l'herbe dépasse les têtes. En deux ans, depuis que le maréchal, fuyant l'avanc