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Libération

CARNET DE BORD par Denis Dailleux (1/5)

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Tous les jours, le parcours de Denis Dailleux sur les traces d'Oum Kalsoum, la voix de l'Egypte, morte il y a bientôt vingt-cinq ans.
publié le 16 août 1999 à 0h20

Tammay al-Zahayra. C'est là qu'elle est née. Oui, ici. Enfin, pas loin. Le village est derrière les champs. Il n'a pas beaucoup changé, à part l'électricité, la télévision, les tracteurs. On repique toujours le riz à la main, au rythme allègre des chants de jeunes filles. C'était la plus belle voix du village. Ça, son père, le cheikh Ibrahim al-Sayed al-Beltagui, s'en était bien rendu compte. A dos d'âne et en train, ils faisaient la tournée des mariages, des circoncisions et des mouleds (1) à Simballawein puis dans tout le Delta, pour chanter les versets appris au kouttab, l'école coranique du village: le père, le frère Khaled et la petite «Souma», déguisée pour respecter les convenances en petit Bédouin à la voix céleste. Elle était souvent fourrée chez son amie, la fille de l'omda, le maire du village, qui avait un phonographe et une calèche, comble du luxe.

Plus tard, après être «montée» au Caire, quand elle est devenue riche et célèbre, elle a acheté de la terre au village. A gauche de la route en arrivant. Les champs qui s'étendent derrière le cerf-volant. Elle a aussi fait construire une mosquée, donné les terrains, destinés au centre de santé et à la coopérative agricole. Jusqu'à sa mort en 1975, les villageois de Tammay al-Zahayra défilaient chez elle, à la villa de Zamalek, pour demander un petit service, un coup de main, donner des nouvelles du pays. Au village, il reste quelques membres de sa famille, rongés par la jalousie, la rancoeur et les querelles d'héritage