La Colombie pleure son amuseur public numéro un, Jaime Garzón, 39
ans, abattu à un feu rouge par deux tueurs à moto alors qu'il se rendait à la radio pour une émission, vendredi matin. L'émotion et la colère sont énormes. L'après-midi même du meurtre, 80 000 personnes se sont spontanément rassemblées sur la place Bolivar, le coeur historique de Bogota, et des milliers d'autres se sont retrouvées samedi au même endroit pour les funérailles. Le cercueil avait été entreposé au Capitole, selon le protocole réservé aux obsèques nationales. Et sur les vingt kilomètres du trajet menant au cimetière, la foule a salué le cortège avec une double haie de mouchoirs.
«C'est comme si des terroristes avaient assassiné Coluche», explique un Français résident en Colombie. L'humoriste était connu de tous et il se moquait de tout le monde politiciens, militaires, Eglise, guérilla, trafiquants de drogue, gauche, droite, riches et pauvres en commençant par lui-même. Il possédait l'art de faire rire les gens de leurs propres tares. «Il avait la dent très dure, mais il était si gentil qu'on lui pardonnait tout, raconte le journaliste Armando Neira. Son humour était l'ultime recours pour supporter nos tragédies.» Garzón avait créé le personnage d'«Herbert le cireur de chaussures»: il interviewait les hôtes de son show télévisé accroupi à leurs pieds, en leur lustrant les souliers et en émaillant l'entretien de réflexions en aparté.
La victime a reçu cinq balles de calibre 38 dans la tête, presque