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Chili-Argentine: retour sur les «années noires»«Les disparus argentins cessent d'être des ombres anonymes» Depuis septembre 1998 à La Plata, le «Procès pour la vérité» a permis de rouvrir des dossiers de disparitions.

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publié le 18 août 1999 à 0h17

La Plata envoyée spéciale

«Vous avez été convoqué pour contribuer à élucider les circonstances et le destin de ceux qui ont été victimes de la répression illégale entre 1976 et 1983», dit le juge au premier témoin de l'audience hebdomadaire du tribunal de La Plata. L'homme, cheveux bruns gominés, petite moustache, jure de dire la vérité, avant de décliner âge, domicile et état-civil. Après le coup d'Etat du 24 mars 1976, Jose Luis Luise se trouvait en poste au commissariat N° 5 de La Plata, chef-lieu de la province de Buenos Aires, à une cinquantaine de kilomètres de la capitale.

Interrogé sur les tâches qui lui étaient alors attribuées, il répond de façon lapidaire. «Je n'étais pas encore policier. Je faisais le ménage dans le commissariat.» «Combien de temps y êtes-vous resté?» «Euh" six mois», marmonne Jose Luise. «Quel était le nom du commissaire?», s'enquiert le juge. Après un long silence, «Je ne me rappelle pas.» «Celui de vos collègues?» «Je ne me rappelle pas.»

La phrase revient comme un leitmotiv aux questions des juges, de plus en plus précises. «Du côté des cellules, avez-vous parfois entendu des hurlements?» Secouant la tête, le policier répond que non. «Comment appelait-on les détenus?» «Les détenus ordinaires?», demande l'homme. «Pourquoi, il y avait des détenus spéciaux?», réplique aussitôt le juge. Jose Luis s'est trahi. C'est la première faille dans sa déclaration. Pourtant, il va persister dans son mutisme, jusqu'à ce que l'un des juges perde patience. «C