Orahovac, envoyé spécial.
Le silence est de plomb, les rues étrangement calmes. Echoppes closes, étals déserts, le bazar a tiré ses volets. Pas de cris d'enfants dans les venelles, et le pavé résonne sous le pas des patrouilles de l'Otan. Seule présence visible. Sur une vitrine, en lettres blanches, ce constat: «Orahovac, ville morte.» Pour la deuxième journée, les habitants des quartiers albanais ont déserté les terrasses de leurs cafés favoris pour se rassembler, en famille, sur les prairies des montagnes alentour. Une immense manifestation champêtre, avec panier à provisions et outres d'eau fraîche, pique-nique de protestation contre le remplacement des troupes néerlandaises, chargées de la sécurité dans la commune, par un détachement de parachutistes russes. Tous les accès routiers sont bloqués. Tracteurs, camions, carrioles et autobus, la citerne rouge des pompiers, sa lance à incendie braquée vers les sommets, forment un monstrueux bouchon sur les lacets menant au col de Malishevo, où les soldats de la paix dépêchés par Moscou ne peuvent que prendre leur mal en patience.
«Une solution pacifique». Déjà, sur les champs bordant la route, les manifestants ramassent du bois pour allumer un feu. D'autres sortent de leur coffre de voiture bâches en plastique et couvertures. «On s'installe pour durer», prévient Vessel Amroushi. L'homme commande à une escouade de jeunes garçons athlétiques qui, brassard rouge au biceps, gardent la tête du barrage dans une attitude toute militaire