Yalova, envoyé spécial.
Les pieds alourdis par la boue, bidon à la main, Kensit en a marre. «C'est la troisième fois depuis ce matin que je fais la queue pour l'eau. Je n'en peux plus.» Et en se détournant, pour que sa femme n'entende pas: «J'aurais préféré rester sous les décombres.» A 56 ans, il venait d'être mis en préretraite. Avec son maigre pactole d'ouvrier, il s'était acheté un petit appartement pour finir sa vie dans la jolie station balnéaire de Yalova. Vue imprenable sur le stade. Comme il adore le foot, c'était idéal. Il y a huit jours, son appartement a été coupé en deux. Un côté de l'immeuble s'est effondré. «On était du bon côté, et maintenant on est là.» Il désigne le stade d'entraînement. Deux jours de pluie l'ont transformé en un champ de gadoue. Le Croissant-Rouge a fourni des tentes. 535 personnes vivent ici, avec un seul WC pour tout le monde. Et rien pour se laver. Des camps de toile comme celui-là, il y en a partout dans Yalova, où 40 000 personnes sont désormais sans domicile. Sur les promenades du front de mer et les parkings du centre-ville, les moins chanceux s'abritent sous des «maisons Nylon», trois bouts de bois recouverts de plastique.
Révolte. Dès qu'il a déposé le jerrycan près de sa tente, Kensit quitte sa femme et s'en va près des buts du terrain de foot. C'est le coin où les hommes fument et discutent. «Ça me révolte, il n'y a pas assez de tentes et quand il y en a elles prennent l'eau, hurle Sinan, en agitant le quotidien Sabah. Et, pen