Weimar, envoyée spéciale.
De retour dans la ville de Goethe, les ministres allemand, français et polonais des Affaires étrangères ont pour la première fois, hier, élargi leur consultation annuelle à la culture. Histoire de mettre au goût du jour leur «triangle de Weimar», créé en 1991 pour accompagner l'unification allemande, les ministres avaient invité hier trois intellectuels à débattre avec eux devant un public de jeunes: le cinéaste polonais Krzysztof Zanussi, le Français Luc Ferry et l'historien allemand Karl Schlögel. L'idée, très à la mode entre la France et l'Allemagne, de s'ouvrir à la «société civile», surtout quand la relation cherche désespérément à se renouveler, a permis de sortir un peu des discours convenus.
Bronislaw Geremek a quitté un instant ses habits de ministre pour reprendre ses élans de professeur et expliquer que, «au fond, créer une communauté au-dessus de la nation est en contradiction avec les règles de la démocratie», les démocraties s'étant généralement développées dans le cadre de nations. Luc Ferry a poussé le bouchon, signalant au ministre que l'humanisme sur lequel il fonde la construction européenne manque de «valeurs substantielles» et s'avère pour cela difficile à défendre: «La morale, ça n'a jamais fait vibrer personne.»
Cette mise en perspective historique a permis au ministre un rare aveu d'humilité: «Au niveau de l'histoire des civilisations, personne ne maîtrise rien, a reconnu Hubert Védrine. Les hommes politiques n'arrivent jamais q