Stockholm, de notre correspondant.

«Au début, je me fichais de cette indemnisation. En quoi cette somme symbolique pourrait-elle bien compenser la stérilisation que j'ai subie de force, remplacer le fait que je n'ai jamais pu voir grandir mes enfants ni mes petits-enfants?» Barbro Lysen, 74 ans, fait partie des 63 000 Suédois stérilisés entre 1935 à 1975. Une partie d'entre eux, comme Barbro Lysen, l'avaient été de force à la grande époque de l'eugénisme triomphant, lorsque la société de bien-être suédois se bâtissait et que les autorités prônaient l'élimination des «scories» pour ne pas entraver le développement collectif. Désormais, ils peuvent demander réparation.

Barbro Lysen avait été diagnostiquée par son médecin de famille comme épileptique à 16 ans, en 1941. «A l'époque, épilepsie rimait avec idiotie», nous avait raconté il y a deux ans cette petite femme ronde d'une gaieté égale. A 21 ans, enceinte, elle subit la furie du corps médical. Elle allait mettre au monde un enfant malade. Verdict formel: avortement et stérilisation, alors qu'elle n'avait pas eu de «crise» depuis deux ans. Et alors qu'il s'agissait de crampes, et en rien d'épilepsie, comme elle l'apprendra fortuitement 30 ans plus tard" Sa vie était de toute façon perdue. Elle a gardé cette honte pour elle toute sa vie, n'en parlant même pas à ses plus proches amies, s'évertuant à passer des permis de conduire dans tous les pays où la profession de son mari l'emmenait, pour se prouver qu'elle n'était pas une