Hébron, envoyée spéciale.
C'est un abri troglodytique enfoui sous les pierres et les ordures, en plein milieu de Hébron, au sommet d'une colline desséchée par le soleil. On y trouve tout ce qui suffit à un homme pour une journée de travail. Un matelas, une télé, un frigo, un ventilateur, un téléphone portable, un réchaud pour faire le thé, un paquet de chips, une photo de la mosquée d'Omar" Cela n'a l'air de rien, mais c'est un royaume. Car, de là, Ismaïl Asfour a tout pouvoir sur la région de Hébron. Pour qu'il actionne la petite poignée rouge qui dépasse du sol, au pied du fauteuil de voiture qui trône à l'entrée, on est prêt à payer très cher, beaucoup plus que la normale, et aussi à fermer les yeux sur la morale. Ismaïl Asfour vend de l'eau au marché noir, un produit qui, ici, n'a pas de prix. Surtout cet été, si sec que la terre se confond avec le blanc délavé des maisons et même avec le ciel plombé par la chaleur. Les gens d'ici disent qu'ils n'ont pas vu une telle sécheresse depuis près de soixante ans.
Considéré comme un collabo. En début d'année, les pluies ont été inférieures de 40% au niveau normal. Un drame pour les 200 localités palestiniennes de Cisjordanie qui ne disposent pas de l'eau courante et dépendent de la collecte de l'eau de pluie et de puits. Pour Ismaïl Asfour, c'est une aubaine. A dix pieds sous terre, son portable sonne sans répit. Sur le chemin caillouteux qui mène à la ville, ses camions se succèdent en cahotant, bourrés d'eau jusqu'à la gueule.