Belgrade, correspondance.
Il y a à peine plus de deux ans, Vesna allait aux manifs comme on va à la fête. Car la Serbie silencieuse était sortie de l'ombre et avait pris le haut du pavé. On s'y retrouvait entre parents, amis et voisins et on croyait dur comme fer que tout allait changer. Les trompettes guerrières s'étaient tues en Bosnie depuis plus d'un an, le dinar yougoslave s'était redressé et la levée progressive des sanctions promettait des jours meilleurs. Il s'agissait juste de faire comprendre à Milosevic qu'il ne pouvait plus traficoter les résultats des élections comme bon lui semblait et que la Serbie rêvait de retrouver sa place en Europe. Le rêve a fait long feu. Après une nouvelle guerre et les destructions de l'Otan, Vesna sait que son pays ne bougera pas si Milosevic reste au pouvoir. Mais son coeur n'est plus à la fête. C'est simplement une question de survie.
Débrouille. Dans la foule qui, sur les boulevards, se dirigeait vers la place de la République, où devait se tenir le meeting, elle a cherché les têtes connues. Pas celles des intellectuels qui répondent toujours présent, ni celles des militants politiques. Mais celles des gens ordinaires, comme elle, ces voisins dont elle s'était rapproché l'espace de ces trois mois de protestation hivernale, celles des amis de ses enfants devenus soudainement proches. Puis si lointains. Vesna savait qu'elle ne les y trouverait pas tous. «Si en feuilletant mon carnet d'adresse, je passe en revue les amis de collège ou