Dans la guerre de l'ombre que se livrent depuis le massacre de
centaines de milliers de Tutsis, en 1994, le nouveau régime au Rwanda et l'Eglise catholique, c'est la première bataille au grand jour. Au gré des renvois de séance, elle se déroule depuis le 14 septembre devant un tribunal à Kigali, juste en face du stade où, l'an passé, six condamnés pour génocide ont été exécutés en public. A son tour accusé de génocide mais, aussi, de «non-assistance à personne à danger et incitation au meurtre», dont celui de trois prêtres, Mgr Augustin Misago, 56 ans, est conduit au prétoire dans l'uniforme rose pâle des prisonniers, une croix pectorale en argent sur la vareuse. Interpellé par-dessus les tombes par le chef de l'Etat rwandais lors de la cérémonie ayant commémoré, le 7 avril, le cinquième anniversaire du génocide, l'évêque récuse une «machination» montée contre lui. «Je plaide non-coupable, Messieurs les juges», s'est-il écrié à l'ouverture du procès, qui a repris hier. «Je n'accepte rien de tout ce dont je suis accusé.» Au premier rang, le nonce apostolique et l'archevêque de Kigali ont hoché la tête, tandis qu'un murmure hostile a parcouru la salle remplie de «parents de victimes».
Dans le pays des mille fosses communes, tout divise et tout fait symbole. Kibeho, où le déclenchement du génocide a été commémoré cette année, est une ville martyre. Elle l'est pour les Tutsis, dont au moins 20 000 s'y étaient réfugiés dans des églises où, entre avril et juillet 1994, ils ont été