Jérusalem, de notre correspondant.
Wajeeh Nusseibeh déroule sur la table basse, entre les pâtisseries ruisselantes de sucre et les cafés brûlants, des photocopies de parchemins vieux de plusieurs siècles. Les originaux se trouvent en lieux sûrs, disséminés au sein du clan. Il a trop peur de perdre ces lettres signées de la main de souverains ottomans. Pour cet homme de 47 ans, ce sont autant de contrats de travail en bonne et due forme, à durée indéterminée et irrévocables, sauf peut-être par la Sublime Porte, si elle existait encore. «Je suis au service du sultan», martèle-t-il, dans son modeste salon. Sa charge, transmise de père en fils, figure en grosses lettres sur sa carte de visite: «Portier et Gardien du Saint-Sépulcre».
De petite taille, affable, l'embonpoint rassurant, il tient à la fois du concierge jamais en peine d'un ragot et du grand chambellan tout entier pénétré de l'importance de sa tâche. Chaque jour, à heures fixes, il ouvre et referme la porte du lieu le plus sacré du christianisme. Le rituel est immuable. Il gravit l'échelle pour atteindre la serrure. Un autre musulman, issu lui aussi d'une des plus vieilles familles de la ville, les Joudeh, lui confie la clef, longue tige de métal coiffée d'un anneau aux airs de décapsuleur. A l'intérieur, trois sacristains, un prêtre arménien, un pope grec et un père franciscain retirent le butoir en fer. L'on s'épie et se jalouse l'un l'autre: le moindre écart peut dégénérer en guerre de religion intestine.
Trop d'Eglis