Dili, envoyée spéciale.
Sur la plage de Dili, ils étaient trois à chanter. Des jeunes garçons descendus des collines où, durant vingt-deux jours, ils regardaient la fumée qui enveloppait leur ville d'un terrible linceul. Ils s'étaient promis de revenir et de célébrer face à l'Océan, la libération du Timor. Ils disent une histoire que tous les habitants de l'île partagent, celle des familles qui ont été séparées par la violence des milices et la complicité des militaires indonésiens. Ils attendent, sans savoir si, un jour, viendra le temps des retrouvailles. Retour à la vie. Mateus préfère ne pas y penser. Figé sur son lit d'hôpital, il parle d'une voix douce et insiste pour écrire les noms des hommes qui ont marqué son destin. Ceux des commandants qu'il a servis dans le Falintil (résistance est-timoraise), ceux des milices qui ont brûlé sa ville à mi-course entre Dili et Baucau. Mateus était encore un nourrisson quand l'armée indonésienne s'est emparée du Timor oriental, à peine adolescent quand il a décidé que son combat serait celui de l'indépendance. C'est dans la ville de Laleia qu'il a été blessé. Quatre jours plus tard, il était évacué par les Australiens sur cet hôpital militaire français étrangement désert, à l'exception de quelques hommes. Chaque matin, les médecins se préparent à accueillir des réfugiés. Chaque matin, la salle d'attente reste vide. Un garçon qui, hier, a manqué se faire lyncher dans les rues de Dili, repose seul dans une salle, la mâchoire fractu