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Libération

Les avatars d'un journal tchétchène. «Le Travailleur de Grozny» reparaît envers et contre tout.

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publié le 13 octobre 1999 à 1h26

Nazran (Ingouchie), envoyée spéciale.

Moussa Mouradov, 43 ans, le regard vif et la moustache lisse, est un homme courageux. Journaliste depuis dix-huit ans en Tchétchénie, il n'a jamais abandonné les murs de sa rédaction, au centre de Grozny, pour une autre destination ou pour Moscou, où plusieurs publications «centrales» lui avaient pourtant proposé de travailler. Jusqu'à il y a un mois. Le 15 septembre 1999, est paru le dernier numéro de l'hebdomadaire le Travailleur de Grozny. Depuis, Moussa fait constamment la navette entre Grozny et Nazran, la capitale de l'Ingouchie, distante de 70 km seulement, où il a élu «provisoirement» domicile, afin de ne plus risquer la vie de ses six employés: trois journalistes dont deux femmes, une comptable, un maquettiste et un chauffeur. Il leur a rendu leur liberté pour échapper aux nouveaux bombardements. Une semaine plus tard, son équipe se retrouvait presque au complet à Nazran, ultime destination des réfugiés tchétchènes auxquels les portes des autres régions russes sont fermées. «Je me suis dit: "Pourquoi ne pas tout recommencer d'ici, puisque mon lectorat s'est physiquement déplacé et est en manque complet d'informations», explique Moussa. La décision a donc été prise de continuer à travailler. «Mes deux collègues femmes ont d'ailleurs été les plus enthousiastes, ajoute-t-il, elles me disent que je suis leur seul espoir. Elles en ont assez de ce statut de réfugiées. Elles n'ont qu'une envie: reprendre le travail et continuer à rece