Dans «Médecins sans frontières», quel que soit le succès de l'exemple professionnel donné par ses fondateurs, la mention «sans frontières» importe le plus. Mieux qu'une marque déposée, ces deux mots sont devenus une sorte de révélateur d'un moment de l'Histoire. On peut en effet y voir l'annonce, dès le début des années soixante-dix, de l'interdépendance planétaire de l'humanité (qu'on baptisera avec retard «mondialisation»), mais aussi l'effacement des grandes barrières politiques et intellectuelles (qu'on nommera plus tard la «fin des idéologies»). Ce n'est pas un hasard si MSF a fait son apparition à l'occasion de la guerre du Biafra conflit épouvantable, qui mettait en lumière bien d'autres échecs à venir de la décolonisation, posait à la fois un problème de frontières et n'entrait dans aucun des cadres idéologiques qui servaient alors de références. En particulier, l'aide humanitaire d'urgence s'est extirpée des ruines encore fumantes du tiers-mondisme" sans pour autant tomber dans la litanie de la «défense du monde libre». La première équipée des French Doctors révélait une intuition prémonitoire: les frontières étaient devenues aussi problématiques sur le terrain que dans les têtes. Cette sorte d'apolitisme militant, et même activiste, avait des précédents. Mais MSF y ajoutait un ingrédient nouveau: la distance prise avec les Etats et les organisations paraétatiques. Sa popularité rapide est venue aussi de cette mise en question du rôle des puissants étrangement imp
Éditorial
Au commencement était l'action.
Article réservé aux abonnés
par Gérard DUPUY
publié le 16 octobre 1999 à 1h12
Dans la même rubrique